mardi 8 mai 2012





 RETRO LE 6 MAI 2012

Le clean et le flou

Les images de la couverture de la visite du président Moncef Marzouki  au marché de gros diffusées dans le journal télévisé du jeudi 26 mai, sur El Watania 1, s’enchainaient dans deux séquences de qualité techniquement très différentes : la première séquence véhiculait des images nettes, à la résolution plus que bonne, quasi muettes, montrant l’accueil chaleureux réservé au Président de la République,  la deuxième affichait des images floues, tremblotantes et  à la résolution approximative montrant les deux baisemains fait au président Marzouki  par deux marchands de légumes sur. Ces images qui proviennent probablement d’un téléphone cellulaire ont, on le sait, fait le tour des réseaux sociaux.

Pourquoi cette différence criarde de qualité ? C’est que les images prêtes à diffuser (PAD) de la première séquence provenant de la salle de montage du palais de Carthage sont officielles, formelles, quasi muettes, et surtout clean, car nettoyées et expurgées des baisemains en question. En revanche les images de la deuxième séquence informelles et anonymes qui n’ont rien d’officiel  ont été accompagnées d’un bref texte explicatif. Ce qui exprime la résistance et le refus de la rédaction des journalistes du J.T. d’être complices de cette occultation volontaire de tels gestes courtisans qui, dés la matinée du jeudi avaient fait l’objet d’une vidéo postée sur le net et les réseaux sociaux, et  leur refus de se limiter, ainsi, aux images solennelles  montées en dehors des salles de montage de chaîne nationale, comme cela a été souligné par la rédaction du 20H00. La norme professionnelle, étant que les activités du président de la République soient couvertes par une équipe du J.T. selon un angle précis et la ligne éditoriale du J.T.

 Ces baisesmains flagorneurs  qui ne sont certes pas le fait du Président lui-même, mais qui sont en totale contradiction avec les traditions de la République, surtout après la Révolution de la liberté et de la dignité ont, ainsi, été occultés du côté officiel, parce que déplacés et étrangers à nos mœurs modernes. Mais la leçon à tirer est la suivante : cacher, occulter, nettoyer, monter, censurer, manipuler, ne sert à rien au temps  des nouvelles technologies, d’internet et des réseaux sociaux. A bon entendeur…

Embrassades anti-déontologiques !!!

Certains journalistes et animateurs d’émissions politiques, culturelles et de variétés, sur les chaînes locales, abusent à fond de salamalecs, mais aussi d’embrassades et d’accolades avec leurs invités de tous bords. Et c’est devenu monnaie courante que de voir des journalistes et des animateurs embrasser des politiques, des artistes parfois au moment de les recevoir, mais surtout à la fin des émissions. Et tout le monde s’y met comme par contagion. On a même vu un animateur embrasser un supposé milicien qui a sévi contre les manifestants pacifiques lors de la manifestation du 9 avril. Sidérant non ?

Comment renvoyer au téléspectateur une image d’objectivité et de neutralité si on ne fait pas preuve de distance en se laissant aller aux effusions affectives ? Mélanger les genres, entre objectif et subjectif, gommer les frontières entre les politiques et les journalistes est foncièrement anti-déontologiques  et contraire à toute éthique. Car cela donne l’impression qu’il y a connivence entre les deux parties, même si ce n’est nullement le cas. La meilleure façon d’éviter la suspicion du public est que chacun, journaliste(s) et invité(s), reste à sa place jusqu’à la fin du générique final comme dans toutes les télés du monde. Surtout que dans le métier de journalisme l’important ce n’est pas la proximité avec les politiques, les artistes ou autres personnalités publiques, mais, d’abord et avant tout la qualité du produit et l’éthique professionnelle.

S.D.

dimanche 6 mai 2012




Entretien avec Rachida Ennaifer, ancienne journaliste à La Presse, présidente de l’AJT et  militante pour une presse libre et indépendante

 «Les ministres de Ben Ali se délectaient de brimer les journalistes »







 Figure phare du monde du journalisme dans les années 70 et 80, plus précisément de 1976 à 1990, Rachida Ennaifer, a travaillé comme reporter à La Presse, journal considéré, alors, comme une école de journalisme. Au fil des jours, des années et de la pratique, elle a milité pour un journalisme professionnel, libre et indépendant, au service non pas du pouvoir et du gouvernement, comme le voulait alors les autorités, mais du public. Elle a, ainsi, mené avec plusieurs autres de ses collègues des actions pour la mise sur pied de comité de rédaction et pour le changement de la ligne éditoriale du journal, mais aussi pour l’amélioration  de son contenu, fonds et forme confondus. Son combat, elle l’a mené au sein de La Presse mais aussi à une échelle plus large, au sein de l’AJT (Association des journalistes tunisiens) où elle a été élue, après des élections transparentes et libres, présidente durant deux mandats successifs de 1980 à 1984, elle a été, ainsi, première femme présidente de l’AJT, de 1988 à 1990 elle a été élue Secrétaire-Générale. Elle a également milité pour les Droits de l’Homme et les libertés syndicales.

 Ayant compris, avec le commencement des années de braise, de la main mise sur les médias et leur musellement que la récréation, qui a duré trois ans après le coup d’Etat policier du 7 novembre, était terminée, elle reprit des études de 3ième cycle en droit. Quasi évincée de La Presse, elle quitta à contre cœur ses premières amours pour se consacrer à l’enseignement à la Faculté des sciences juridiques comme assistante chargée de cours de droit comparé et les transitions démocratiques. Elle est, actuellement vice-présidente du Centre de Tunis du Droit Constitutionnel pour la Démocratie et directrice de la collection «Droit constitutionnel pour tous».

Dans cet entretien elle remonte le temps pour témoigner de la difficulté d’être journaliste professionnelle et indépendante sous le despotisme, fût-il éclairé, comme sous Bourguiba. Elle évoque, ici, son combat et celui de ses pairs pour une presse libre et indépendante et pour que triomphe l’éthique journalistique aussi bien à La presse qu’au sein de l’AJT. Une lutte et des actions menées, au rythme de l’alternance des périodes, entre chape de plomb et éclaircies quand le pouvoir en place soufflait, tantôt le chaud, tantôt le froid. Écoutons-la.

vendredi 4 mai 2012

cannes 2012- La Tunisie aura son pavillon sur la croisette

La Tunisie aura son pavillon sur la Croisette
Nejib Ayed, secrétaire général de la Chambre syndicale des producteurs, est catégorique
Le ministère de la Culture a annoncé, lundi dernier, que «la Tunisie ne disposera pas d’un pavillon au sein du village international du 65e festival de Cannes». Pourtant, Nejib Ayed, secrétaire général de la Chambre syndicale des producteurs, nous a certifié que «la Tunisie aura bel et bien son pavillon à Cannes».
Chacune des deux parties a ses raisons et ses motivations et s’en explique.
Mais ce qui est sûr, c’est que le syndicat des producteurs ne veut aucunement rompre le dialogue et invite le ministère à réviser sa position. Le détail.
Il est vrai que la décision de la non-participation du ministère à la mise en place d’un pavillon tunisien à Cannes n’est pas pour plaire aux professionnels du cinéma, entre producteurs et cinéastes, qui déplorent cette rupture avec la tradition ancrée depuis voilà cinq ans, à partir de 2007.
Le ministère, on l’a dit, a ses raisons et M. Fethi Kharrat, directeur général des arts scéniques et audiovisuels au sein du ministère de la Culture, étaye : «Aucun des films tunisiens parmi ceux présentés pour la sélection officielle de Cannes, dont Mille feuilles de Nouri Bouzid, Dégage de Mohamed Zran, Nessma de Houmeïda Béhi n’a été retenu. Ni d’ailleurs dans aucune section parallèle. Partant, le ministère de la Culture s’abstient de participer aux frais de la mise en place de ce pavillon dont le bilan n’est pas franchement positif. Puisque les objectifs tels que, par exemple, la promotion de la Tunisie en tant que terre et décor de tournage n’ont pas été atteints. Et même les tournages de quelques films sous nos cieux sont dus à l’effort personnel de certains producteurs.
Le bilan ne correspond pas à l’effort d’investissement qui est de quatre-vingt mille dinars consenti par le ministère. De plus, il n’y a pas de matière prête, entre brochures, annuaires, coffrets de films et catalogues, etc.»
Toutefois, la position du ministère est claire : le marché du film où les producteurs et les cinéastes disposent de salles de projection et où se trouvent les acheteurs et les chaînes de télévision constitue l’espace idéal pour promouvoir les films tunisiens. «Car dépenser 80.000 dinars pour disposer d’un pavillon à Cannes n’est pas l’une des priorités de l’Etat, dans une conjoncture économique difficile», précise le directeur général des arts scéniques et audiovisuels.
Et d’appeler les producteurs et cinéastes si empressés de se rendre à Cannes d’achever leurs films et de les livrer au ministère. «Rien ne sert d’aller à Cannes pour brasser du vent, ils peuvent le brasser ici. De toute façon, le ministère n’a pas de contrat indéterminé avec la chambre syndicale pour participer financièrement à la mise en place du pavillon tunisien à Cannes. Et cette année, il n’y voit aucune opportunité.»

«Nous invitons le ministère à réviser sa position»

De son côté, M. Néjib Ayed affirme que «les arguments avancés dans une lettre officielle adressée par le ministère au syndicat des producteurs pour expliquer le refus de participation aux frais du pavillon pour le 65e festival de Cannes ne sont pas convaincants. La non-sélection de films tunisiens à Cannes n’est pas un argument car ce n’est pas la première fois que cela arrive et de plus si «Cannes» se résume aux 12 pays dont les films ont été sélectionnés officiellement, il n’y aurait pas grand monde à Cannes. Pourtant, il y a 150 pavillons dans le village international. C’est qu’ils représentent une tribune du cinéma mondial pour la rencontre entre les professionnels, la mise en valeur des films, la coproduction, les lieux de tournage, etc.
En outre, 2012 est l’année des JCC qui doivent être organisées à partir du pavillon tunisien et non du stand de la francophonie. D’où l’importance double de ce pavillon cette année. Après la Révolution, la Tunisie doit être présente. 12 films ont été réalisés cette année, on doit essayer de les vendre et de les montrer aux sélectionneurs de festivals. Moi-même et Hbib Attia, producteur, avons coproduit des films qui ont été et seront tournés dans nos décors.
«Cannes» reste incontournable, toute la ville devient, lors du festival, un marché que ce soit dans le village international, le marché, du film, les villas ou les hôtels. Concernant le coût du pavillon, le ministère des finances à hauteur de 80.000 dinars et le syndicat participe avec 40 à 50.000 dinars. Pourtant, il y a deux mois, le ministère de la Culture a promis de cofinancer le pavillon et l’a annoncé aux médias et à la chambre syndicale des producteurs, déclarant: «qu’il ne souhaitait pas que l’opinion publique nationale et internationale pense que le gouvernement est contre le rayonnement du cinéma tunisien».
Aujourd’hui, il se dédie, peut-être faut-il croire que la technique des conseillers de l’ombre est de retour. Pourtant, c’est sur proposition du ministère que nous- mêmes et les différentes associations avons concocté un programme de participation à Cannes. Et nous nous sommes réunis deux fois avec le ministre de Culture. Nous pensions que nous avions une relation de partenariat claire et limpide avec le ministère.
A la lumière de cette situation, la Chambre syndicale a donc décidé que la Tunisie aura, malgré tout, son pavillon à Cannes, puisque nous avons déjà confirmé notre participation. Et c’est le syndicat, les producteurs et probablement quelques sponsors qui financeront le pavillon.
Le drapeau tunisien flottera, donc, encore une fois, et pour la 6e année consécutive à Cannes.
Cette situation devrait donc être expliquée à l’opinion nationale et internationale. Si nous ne rendons pas à Cannes parce que le ministère l’a décidé, c’est retourner aux vieilles pratiques d’antan sous Ben Ali.
Maintenant, nous tenons à préciser que nous avons des dossiers importants à traiter avec le ministère avec lequel nous souhaitons un réel partenariat et non pas une relation verticale de chef à subalternes…
Par ailleurs, nous invitons le ministère à réviser sa position. Nous donnerons plus de détail dans la conférence de presse qui se tiendra aujourd’hui à 10h00 au siège de la Chambre syndicale des producteurs».
Enfin, M.Fethi Kharrat a affirmé que la Tunisie participera à la Journée de la francophonie qui se tiendra le 19 mai en marge du Festival de Cannes et qui sera marquée par l’annonce de la création d’un fonds de soutien au cinéma africain et qui aura pour pays d’accueil la Tunisie.
Enfin, les jeunes cinéastes tunisiens participant à Cannes dans la section «Short-films», dont Walid Mattar, Mustapha Teïb et Hassen Amri, ainsi que Mohamed Ali Ben Hamra présent dans les activités du «Cinéma du monde» bénéficieront du soutien du ministère de la Culture et de l’Institut français de coopération.

jeudi 3 mai 2012

Témoignages- 1er mai- Ali Bouraoui, membre du bureau politique d'Ennahdha: La manifestation était à la hauteur de l'événement



«La manifestation du 1er mai était à la hauteur de l’étape actuelle et de l’événement, parce qu’elle a réuni tous les Tunisiens dans leur majorité nourris de la lutte, de l’histoire, de la culture et des principes de l’Ugtt.
L’appartenance politique différente ne nous empêche pas d’être unis syndicalement. Parce que la conjoncture nous l’impose. Les slogans qui divisent étaient minoritaires. J’ai même vu des manifestants rigoureusement déterminés à éviter toute confrontation en s’opposant aux slogans lancés contre le gouvernement. On peut s’exprimer librement sans recourir à la violence et à la confrontation. J’espère voir cette tendance et cet esprit de tolérance se poursuivre».
Concernant la cherté de la vie, M. Ali Bouraoui déclare: «Nos excuses pour cette flambée des prix des produits alimentaires, mais il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton car on est face à un réseau très compliqué de contrebande et il faudra du temps au gouvernement pour y mettre fin et comprimer ainsi les prix. Mais j’ai confiance dans le gouvernement pour parvenir à le faire».
Enfin, à propos des négociations sociales entre le gouvernement et l’Ugtt, M. Bouraoui affiche son optimisme, mais il déplore que certains considèrent la révolution comme une occasion pour piller l’Etat.
«Certes, il est normal d’assurer l’emploi à tous, mais encore faudrait-il savoir qu’aucun gouvernement ne peut à la fois offrir l’emploi aux chômeurs, augmenter les salaires et réparer les infrastructures précaires du pays. Il faut que les syndicalistes sachent raison garder. Les citoyens ont, certes, raison de revendiquer, mais rien ne sert d’affaiblir le gouvernement. Travaillons ensemble pour résoudre les problèmes et développer le pays».

Belgacem Ben Abdallah, membre du bureau national de l’UDC (Union des diplômés chômeurs) : «Pour des décisions urgentes au profit des chômeurs»

«C’est un grand jour, parce que, premièrement, l’UDC est partie prenante dans la libération de la rue suite à la violence que nous avons subie lors de notre manifestation du 7 avril. Nous sommes là aujourd’hui, à l’avenue Habib-Bourguiba, pour célébrer le 1er mai avec les travailleurs, à qui nous souhaitons bonne fête, en ce sens que la relation des chômeurs avec les travailleurs est naturelle, parce que ces deux catégories sont les victimes des choix économiques et sociaux : les ouvriers subissent la hausse des prix alimentaires et autres tandis que les chômeurs voient leur situation se perpétuer en raison de ces mauvais choix économiques.
Les sans-emploi en ont marre d’attendre, certains étant au chômage depuis 12 ans et plus. Le message de l’UDC est clair : le gouvernement doit prendre des décisions révolutionnaires et urgentes, sinon les prémices d’une deuxième révolution sont en train de se profiler. Une révolution qui rectifiera la voie de celle du 14 janvier d’autant plus que les chômeurs n’ont rien à perdre».

Bochra Belhaj Hmida, militante de la société civile : «Contre les divisions et les scissions»

«Cette fête du 1er mai aurait dû être l’occasion de l’unité nationale. Or nous sommes ici, à l’avenue Bourguiba, non pas ensemble, mais les uns contre les autres vu les slogans que j’ai entendus contre l’Ugtt. Si certains manifestants sont ici pour la première fois de leur vie, sachez qu’ils ne sont pas là pour les travailleurs ni pour l’unité nationale. Ils sont là pour soutenir le gouvernement et pour nous diviser, d’où l’ambiance malheureusement tendue.
Ce qui est dû au fait que jamais, depuis les élections du 23 octobre, les trois présidents, de la République, du gouvernement et de l’ANC, n’ont eu un discours apaisant, unificateur et susceptible de calmer les esprits et de rétablir le dialogue entre toutes les composantes politiques du pays.
L’appel d’Ennahdha n’est pas un appel d’unité mais de concurrence dans un esprit de campagne électorale. L’avenir du pays est entre les mains du gouvernement, j’appelle à prendre conscience qu’il n’a pas le droit de pousser à la division et à la scission. S’il croit que ces méthodes peuvent continuer comme sous Ben Ali, il se trompe. Car la vigilance de la société civile, et même des citoyens non politisés, qui sont de plus en plus nombreux, est grande. Outre que la peur a disparu et c’est ce que nous avons gagné de la révolution».

Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti socialiste de gauche : «L’union n’est pas visible sur le terrain»

«Les slogans des partisans d’Ennahdha dans cette manifestation sont surprenants car, malgré l’appel à l’unité de la direction d’Ennahdha, l’union n’est pas visible sur le terrain. Il y a les syndicalistes et les démocrates d’un côté et Ennahdha, de l’autre.
Ce n’est pas avec cette tendance manipulatrice qu’Ennahdha peut gagner la sympathie de la rue. L’avenue Habib-Bourguiba représente l’opinion de la démocratie, des droits de l’Homme, et de la laïcité et non pas des slogans qui appellent à la division. Donc j’espère que les Nahdhaouis ont reçu le message de la rue».

Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol : «Un combat commun»

«La manifestation a été à l’image de la réputation de l’Ugtt des grands jours, une syndicale militante et au rendez-vous de l’Histoire. Nous sommes en train  de vivre un grand moment historique.
La Tunisie, qui s’est débarrassée d’une dictature imposée par les erreurs d’un mauvais parcours politique que le peuple tunisien a subi à contre-cœur et les Tunisiens syndiqués et non syndiqués ont répondu massivement à l’appel de la direction de l’Ugtt pour célébrer cet appel à l’unité, les slogans lancés ici et là traduisent l’attachement du peuple à la justice, au droit de tous au travail et à la liberté. Le Parti Ettakatol, qui a exprimé son attachement au combat commun avec l’Ugtt, combat qui a commencé dans les années 70, a été au premier rang de cette grande manifestation. Malheureusement, des voix se sont élevées en provenance de parties n’ayant pas compris le sens de l’Histoire.
L’Ugtt représente un grand symbole, n’oublions pas son combat contre la présence française et son combat pour les libertés et le droit syndical. Elle a payé lourdement le prix de cette lutte et toute la nation ne peut être que reconnaissante».

Mondher Belhaj Ali, cofondateur du Forum de l’indépendance : «Le pays réel était hier sur l’avenue Bourguiba»

«Cette journée symbolise la rencontre des Tunisiens et des Tunisiennes autour d’un projet de société qu’on désire équilibré et ouvert. En ce sens que les travailleurs ne feront plus l’objet d’exclusion de quelque ordre que ce soit. Hier les travailleurs ont tendu la main, à travers leur glorieuse centrale syndicale, l’Ugtt, à toute la société civile et politique.
De toute façon, historiquement, à chaque fois que le pays va mal, les Tunisiens, de toutes obédiences politiques, se retrouvent dans une maison unique : l’Ugtt.
Le fait, également, qu’une manifestation aussi importante et aussi impressionnante se soit déroulée sans violence aucune, représente une étape importante dans notre développement politique.
Les travailleurs et d’autres Tunisiens ont manifesté dans la conviction et dans la joie. Le pays réel était hier sur l’avenue Bourguiba.
La symbolique est éloquente, du 14 janvier jusqu’à, j’espère, la réussite de la transition démocratique…»

mardi 1 mai 2012


Retro 29 avril

Mais que reproche-t-on aux médias publics ?

Le sit-in devant le siège de la télé nationale a été levé, mercredi dernier, mais après que le sang ait quand même coulé, puisqu’il y a eu des blessés parmi les journalistes et les forces de l’ordre. Une violence inadmissible et intolérable. Ce sit-in qui a débuté, il y a prés de deux mois s’est tenu, selon les sit-inneurs, pour «Assainir les médias publics» et en finir avec «Al Iâlam El Banafsagi» (L’information aux couleurs mauve chère au président déchu) mais face à la résistance des journalistes et des employés de la «Maison» aux provocations, insultes et menaces, l’idée de privatiser les médias publics a été agité du côté d’Ennahdha par Rached Ghannouchi et Ameur  Laârayedh . Le premier a fait plusieurs déclarations dans ce sens , dont notamment aux quotidiens Echarq El Qataria et Oman et plus récemment, le mercredi dernier, à  la radio Express-FM où il a qualifié  la politique suivie par ces médias de «Contre-révolutionnaire», « Injuste» et «partisane»  ajoutant «que l’opinion publique n’est pas satisfaite du rendement  de ces médias financés par l’argent public» et de citer notamment El Watania 1 qui a tendance à amplifier les aspects négatifs, à manquer de professionnalisme et à ne pas accorder l’intérêt requis aux événements nationaux majeurs et à faire le black- out sur certaines activités des membres du gouvernement». Le chef du mouvement Ennahdha a même accusé certains médias publics «d’être les ennemis du peuple et de comploter contre lui».

Entretien avec : Naziha Rejiba(Om Zied) militante des droits de l’Homme, journaliste et écrivaine

«Nous sommes à un virage, il peut être dangereux ...»

«Nous sommes à un virage, il peut être dangereux ...»
• La Révolution m’a donné quelque chose de plus précieux que ma liberté personnelle : celle de mes concitoyens.
• La liberté est un moyen et non une idéologie.
• La transition démocratique se fera, entre autres, grâce à la vigilance de la société civile
• Ça ne sert à rien de lier la Révolution à l’Assemblée constituante et au gouvernement.
• Je pense qu’en quadrillant le pays avec une administration partisane et des milices, Ennahdha est en train de perdre son crédit.
• Je suis critique à l’égard de ceux qui gouvernent et on a le droit de critiquer notre gouvernement.
• Ennahdha n’est plus la victime d’antan.
• Si les partis fusionnent juste pour contrecarrer Ennahdha, c’est insuffisant, il faut faire un grand travail de proximité.
• La fête au bouc et Chicago, les romans qui, à mes yeux, incarnent la Révolution.

Pour un grand nombre de citoyens, elle incarne la vraie image de la Tunisie, une militante libre et vaillante façon « mère Courage», et, cerise sur le gâteau, intègre et honnête, ce qui est plutôt rare de nos jours. Naziha Rejiba, alias Om Zied, a mis sa plume acérée de journaliste et d’écrivaine engagée au service des droits de l’Homme, des libertés et contre la dictature. Elle a affûté son art de l’écriture, dès les années 80, sous Bourguiba dans l’hebdomadaire indépendant Erraï. Membre fondatrice du CPR (Le Congrès pour la République) créé à l’orée des années 2000 avec ses compagnons de route Moncef Marzouki, Abderraouf Ayadi, Mohamed Chakroun, Mohamed Abbou, Slim Ben Hmidane, à l’époque brûlante des années de braise, elle en a démissionné, il y a deux mois, «définitivement et pour toujours», selon sa propre formule. Pour tourner la page, sûrement, mais, peut-être aussi pour s’engager ailleurs. Qui sait ?
Mais ce qui est sûr c’est qu’à ses yeux, le combat pour les libertés qui demeure à «confirmer» continue, car elle a parfois «le désagréable sentiment de subir ce qu’elle subissait sous Ben Ali...» Quand juste une année après la prise du pouvoir par le dictateur, alors que tout le monde s’empressait de louer et d’applaudir «l’artisan du changement», elle était la seule à avoir osé le mettre à nu en rappelant son passé militaire et policier dans un article intitulé «Nachaz» et publié dans Erraï. Elle avait exhorté les Tunisiens à ne pas lui donner un blanc- seing «car, avait elle écrit, il risque de nous entraîner sur une voie pire que celle de Bourguiba». Le journal est aussitôt saisi, puis interdit. Depuis elle a été «placée» sous haute surveillance par l’ancien régime dictatorial. Mais, elle poursuivit avec ses camarades militants la résistance en contribuant, au fil des années de plomb, à «déboulonner la statue de Ben Ali».
Om Zied, qui représente un pan de l’histoire et de la mémoire militante de la Tunisie se consacre aujourd’hui à l’écriture en tant que billettiste au quotidien Le Maghreb, elle livre, dans cet entretien, réalisé mercredi dernier, les raisons qui l’ont poussée au militantisme, elle évoque aussi le combat pour les libertés, le processus transitionnel, les rebondissements au CPR, les fusions entre les partis, mais aussi, et très brièvement deux romans qui renvoient, selon elle, à la Révolution Interview.

Le CPR divisé en deux factions

A qui profite la confrontation ?

Après Ettakatol, c’est au tour du Congrès pour la République (CPR) de vivre des frictions qui menacent de le scinder en deux fractions.
Le parti cher au Dr Moncef Marzouki a vu, en effet, dimanche 29 avril, le «groupe des ministres» et celui fidèle à Abderraouf Ayadi, S.G. «évincé», s’affronter à Gabès, à la faveur d’une réunion interrégionale.
Que s’est-il passé réellement entre les «frères ennemis» du CPR ?
Azed Badi, Tahar H’mila et Abderraouf Ayadi racontent aux lecteurs de La Presse les péripéties de la «confrontation» de dimanche dernier. Chassé-croisé.
Présent sur les lieux, Azad Badi témoigne : «C’était une rencontre interrégionale qui devrait réunir les adhérents des structures de Gabès, Kébili, Tozeur, Tataouine et Médenine, dans le cadre d’une série de réunions. Celle de Gabès étant la dernière avant la tenue de la conférence nationale du CPR prévue le 6 mai à Kairouan.
Actuellement, le CPR s’est scindé en deux factions : la première est constituée des membres qui appartiennent à l’équipe gouvernementale, Abbou, Maâter et compagnie, qui s’est éloignée des idéaux du Congrès, la deuxième regroupe ceux attachés à la préservation des principes sur lesquels se fonde notre parti.
«Le groupe des ministres» a toujours essayé de saper notre action au cours des réunions précédentes. A Gabès, ils nous ont envoyé des milices qui ont entravé la tenue de notre rencontre. Ces mercenaires ne connaissaient même pas les membres de notre groupe. A preuve, ils attendaient l’arrivée de Abderraouf Ayadi, alors qu’il était à leurs côtés. Ils ont d’ailleurs pris Lilia Ben Khedher pour Om Zied, qu’ils ont agressée verbalement. Ce qui confirme qu’ils sont des mercenaires engagés et payés pour accomplir cette sale besogne. Il y avait même des intrus d’autres partis, dont l’ex-RCD.
Suite aux menaces d’agression physique et à la crevaison des pneus de nos voitures, nous avons été obligés de nous réfugier dans une oasis voisine. Le gouverneur de Gabès s’est déplacé sur place pour constater les agressions dont nous avons été victimes. Nous avons ensuite déposé une plainte. Nous condamnons ce retour à la violence au moment où, normalement, le droit à la différence, au dialogue et à la démocratie devrait être consacré. C’est un tournant grave et dangereux.
Les agressions visent à saboter la réunion du 6 mai à Kairouan et à entraver le processus de réforme entamé au sein du CPR. La collaboration avec l’équipe gouvernementale du CPR est terminée, nous ne pouvons plus nous asseoir avec eux à la même table de négociations. Ce qui prouve leur faillite. Nawfel Ghribi, secrétaire général du Bureau régional de Gabès, prétend dans un communiqué que notre groupe a été empêché de tenir sa réunion sous prétexte qu’il ne représente pas le CPR. Outre la vidéo dans laquelle le secrétaire général adjoint de la section de Gabès avoue qu’ils se sont dressés contre nous pour empêcher la réunion».
Interrogé de son côté, Taher Hmila, membre du bureau politique appartenant à la faction de l’équipe gouvernementale du CPR, nie en bloc les accusations de la faction adverse : «Nous n’avons pas de milices, nous sommes des gens civilisés et attachés au règlement intérieur de notre parti. Ceux qui cherchent à détruire le CPR sont des hors-la-loi. Abderraouf Ayadi a outrepassé la mission de secrétaire général que nous lui avions confiée.
Cette mission devait prendre fin le 8 janvier 2012. Mais, nous avons été surpris de le voir convoquer un conseil national dans le dessein de se maintenir à la tête du parti contre la volonté des autres membres du bureau politique (BP). ‘‘Mieux’’, il a publié des communiqués et des déclarations de presse contraires aux décisions du BP. Face à ce comportement inacceptable, nous lui avons accordé un délai de trois semaines pour régulariser la situation. A défaut, le jeudi 19 avril, nous avons décidé de lui retirer la fonction de secrétaire général. Et c’est le BP qui a été chargé de la gestion du parti. Seul Imed Daïmi est habilité à parler au nom du CPR en tant que porte-parole, et ce, jusqu’à la tenue du conseil national prévu le 12 mai, en attendant la tenue du congrès national en juillet 2012».
Le constituant Taher Hmila tient à préciser : «Abderraouf Ayadi n’est pas habilité à agir au nom du CPR. Il paraît qu’il va même constituer un autre parti regroupant les déserteurs des autres partis politiques, faisant, ainsi, ce qu’a fait Khemaïs Ksila au sein d’Ettakatol».
Enfin, M. Abderraouf Ayadi nous a déclaré ce qui suit : «Je suis choqué, je n’imaginais jamais qu’une réunion inter-régionale du CPR pouvait être empêchée par une vingtaine de milices qui ne faisaient qu’appliquer les instructions venues d’ailleurs. Je croyais que l’ère Ben Ali était terminée. Encore heureux que le gouverneur venu sur les lieux ait présenté des excuses tandis que la police n’a pas levé le petit doigt.
On voulait discuter du projet de la ligne politique du parti, mais nous avons été agressés verbalement et menacés d’agressions physiques. Et supposons que j’aie été évincé du poste de secrétaire général, élu dans les règles, je suis toujours membre de l’ANC et membre du bureau politique du CPR dont je suis l’un des fondateurs. J’ai par conséquent le droit de m’activer au sein du parti. Je me demande quelle est l’erreur que j’ai commise et qui permet de tels comportements inadmissibles au moment où on réfléchit à la réforme de la ligne politique de notre parti que nous voulons porteur d’idées et d’idéaux.
J’ai le sentiment que ceux qui tirent les ficelles ne veulent pas d’un parti politique indépendant. Pour eux, le CPR doit rester une succursale d’Ennahdha. La réunion du 6 mai prochain à Kairouan sera décisive en ce sens que la base tranchera et décidera de l’avenir du parti».