samedi 24 novembre 2012

jcc 2012- propos festivaliers


Un bon cru et des sections édifiantes, malgré tout

 La 24e édition des JCC touche à sa fin. Dans deux jours, auront lieu la clôture et la proclamation du palmarès. Entretemps, le marathon cinéphilique continue de plus belle, le public court les films de toutes nationalités, notamment arabes et africaines. Tunis s’anime et veille tard, grâce aux JCC, ce qui rompt le quotidien d’une ville, d’habitude, désertée dès 20h00, surtout suite aux problèmes de sécurité qu’a connus le pays.
On aura tout dit sur l’organisation, notamment lors de la soirée d’ouverture où un grand nombre de professionnels n’ont pu accéder à la salle Le Colisée, en raison de l’affluence du public et de l’absence de filtrage. Espérons qu’il en sera autrement pour la cérémonie de clôture. D’aucuns ont vu d’un mauvais œil la tranche musicale qui s’est taillée la part du lion lors de l’ouverture comme si le cinéma ne se suffisait pas à lui-même, d’autant que les troupes africaines qui ont animé la soirée n’étaient pas des plus performantes. Bien au contraire...
D’autres ont déploré les conditions de projection, telle l’absence de mise au point ou l’interruption des films en leur beau milieu ou vers la fin. Ce qui est dû, en fait, au nouveau matériel de projection en numérique DCP (Digital cinéma package) dont la maîtrise n’est pas totalement assurée. Sans compter quelques reports de films dans la programmation.
Cette édition, comme toutes les précédentes, d’ailleurs, (mais certains ont la mémoire courte) a connu des problèmes d’organisation et de qualité du concept du spectacle de l’ouverture. Mais, rendons  à César ce qui lui appartient, car ce qu’on oublie de dire c’est que cette 24e édition se distingue par un bon cru cinématographique et des opus d’une grande qualité, aussi bien dans la section compétition, entre fictions et documentaires, que dans celles des hommages, «Cinémas du Monde», «Ecrans d’à venir», «Perspectives» et autres. En se focalisant sur les films arabes et africains en lice, on remarquera que plusieurs dans le lot forcent le respect et l’admiration tant ils interpellent et émeuvent. Citons en : Les Chevaux de Dieu du marocain Nabil Ayouch, La Pirogue du Sénégalais Moussa Touré, Tout va bien ici de l’Angolaise Pocas Pascoal, Virgin Margarida du Mozambicain Licinio Azevedo, Toiles d’Araignées du Malien Ibrahima Touré et nous en passons.
De quoi forger sa culture cinéphile
 Rien qu’en fréquentant les sections «Hommages» à des cinéastes arabes et africains, entre autres Souleymane Cissé (Mali) et Tawfiq Salah (Egypte) et au cinéma algérien, sans compter la section spéciale «Le cinéma retrouvé» qui offre la rare opportunité au public et surtout aux amoureux du cinéma de découvrir dans des versions restaurées des joyaux filmiques de l’histoire du cinéma et de sensibiliser, ainsi, les spectateurs et les autorités à la nécessité de sauvegarder le patrimoine cinématographique. Il y a, donc là, pour un jeune cinéphile, et a fortiori un étudiant en cinéma, de quoi contribuer largement à nourrir et à forger sa culture cinématographique et cinéphile. Mais à condition de le vouloir. Il n’y a, donc, qu’à suivre assidûment ces sections, comprenant pas moins d’une quarantaine de films, pour s’apercevoir que la plupart sont soit des plus marquants soit de purs chefs-d’œuvre. Car comment peut-on (le public jeune surtout) zapper, si on ne les a pas encore vus, des films de la trempe de Nahla de Farouk Belloufa, La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, Chronique des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina, Omar Gatlatou de Marzak Alouache, Les révoltés, Journal d’un substitut de campagne et Les Dupes de Tawfiq Salah, Baara, Finyé (Le vent) et Yeleen (La lumière) de Souleymane Cissé, Carnets de notes pour une Orestie africaine de Pier Paolo Pasolini, Voyage en Italie de Roberto Rossellini, Touki Bouki de Djibril Diop Mambety, La Momie de Chadi Abdesselem, Transes d’Ahmed Maânouni et tant d’autres.
En présentant son film Les Chevaux de Dieu, en compétition officielle, le cinéaste marocain Nabil Ayouch a exprimé toute son admiration d’abord pour les Tunisiens qui ont attiré tous les regards du monde vers eux grâce à la révolution «On vous a admiré et suivi, continuez à résister et ne laissez rien passer... ». Il a ensuite dit tout le bien qu’il pense du public des JCC : «Mes meilleurs moments de cinéaste je les ai passés avec vous, il y dix ans, quand  vous avez tant aimé mon film Ali Zaoua. Les problèmes d’organisation on s’en fiche, car il arrive qu’il y ait des couacs, le plus important c’est la particularité des JCC dont la marque de fabrique est la cinéphilie et le public formidable».Voilà un beau témoignage qui reflète comment est perçue cette manifestation du dehors. Ce qui ne veut nullement dire qu’on peut se permettre de négliger l’organisation, mais cela veut dire aussi qu’il ne faut pas braquer les projecteurs uniquement sur la forme. Car tout festival suppose non seulement la qualité de la forme,  mais aussi celle du contenu et cette interaction incontournable et nécessaire avec le public qui doit venir nombreux à la rencontre et à la découverte des films. Or, cette synergie et complicité ne peuvent exister sans cette cinéphilie tant convoitée par tous les festivals du monde.
S.D.

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