vendredi 17 mai 2013


La Tunisie se dresse contre l’hydre terroriste

Regards croisés

 Suite au discours du chef du gouvernement, Ali Laârayedh, hier, à l’Assemblée nationale constituante, consacré à la situation sécuritaire dans le pays, nous avons recueilli la réaction de quelques constituants. Ils nous ont fait part de leur perception de la situation dans le pays, d’un côté, et leur évaluation du discours, de l’autre. Réactions.

Samir Taïeb (Al Massar) : «J’ai demandé la levée de l’état d’urgence devenu plus que nécessaire» 
Le discours du chef du gouvernement, Ali Laârayedh, n’a pas été à la hauteur des attentes  du peuple, des constituants et des forces de sécurité.
Il est sûr que la violence dans le pays et la menace terroriste sont la conséquence du laxisme du gouvernement avec les groupes qui prônent la violence telles lesdites Ligues de protection de la révolution (LPR) qui, jusqu’ici, opérent impunément.
Que dire alors des groupes armés d’Al Qaïda qui se trouvent dans les zones frontalières du pays et sont soutenus financièrement et prêts à tout pour arriver à leur fin. C’est pourquoi l’Etat doit sévir et montrer une réelle volonté politique d’agir.
Or, je constate que cette volonté n’est pas manifeste,  malgré les efforts du ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou.
Le chef du gouvernement a affirmé que «la majorité des mosquées sont sous contrôle et que seulement un nombre réduit d’entre elles échappe à tout contrôle». Or, justement, les terroristes réfugiés dans les montagnes peuvent descendre de leurs repaires pour se réfugier dans les mosquées.
Tout le monde sait que des mosquées, comme celles d’«Al Fath» et d’Ezzahra, sont sous le contrôle d’extrémistes, pourtant, que fait le gouvernement ? Rien.
Concernant les réseaux de recrutement pour le djihad en Syrie, le ministre de l’Intérieur a déclaré que «mille Tunisiens ont été empêchés d’aller en Syrie». Mais l’important c’est d’éradiquer ces réseaux.
Il nous a également informés de l’arrestation de deux personnes-clés impliquées dans les événements de Jebel Chaâmbi, mais les choses avancent lentement et tout n’est pas très clair.
Toutefois, pour que les militaires puissent justement se concentrer sur leur objectif de lutte contre le terrorisme, j’ai appelé, hier, lors de la séance plénière, à lever l’état d’urgence afin que les militaires se consacrent pleinement à la situation sécuritaire. J’ai également réclamé le renforcement de la présence militaire à nos frontières.
Je considère, enfin, que la proposition de création d’une commission mixte entre les ministères de la Défense et de l’Intérieur au niveau de la Garde nationale est une bonne chose, la coordination et la vigilance étant de mise dans des circonstances aussi graves.

Nacer Brahmi (constituant indépendant) : «Une lecture trompeuse de la situation»
Je considère que la lecture et  l’appréciation de la situation sécuritaire des événements survenus à Jebel Chaâmbi par le chef du gouvernement sont très optimistes et même trompeuses dans la mesure où le pays vit une situation très critique. Car il s’agit d’une insécurité qui a atteint des sommets inédits.
Quand le pays connaît des assassinats politiques et des meurtres de policiers, Mohamed Sboui étant le dernier, quand nos montagnes sont semées de mines antipersonnel par des djihadistes inféodés à Al Qaïda et à Aqmi et qu’on nous dise de ne pas amplifier les choses c’est vraiment inquiétant.
Le malheur, c’est que le gouvernement contribue à l’état de désordre régnant en encourageant la venue des prédicateurs d’Orient, accueillis par des notables d’Ennahdha, Chourou et Ellouze, dont les discours sont haineux et hérétiques.
Je considère, donc, qu’Ennahdha est responsable de cette diffusion de l’Islam wahhabite dans un but électoraliste. Car, tous ces partis et ces personnes qui ont un référentiel religieux sont unis dans leur déni de la démocratie et leur volonté d’appliquer la charia. Cela sous l’œil bienveillant d’Ennahdha, qui est impliqué avec l’ensemble du gouvernement de la Troïka bis dans ce climat d’insécurité et en assume la responsabilité car cela peut aboutir à une guerre civile. Et je ne vois pas une réelle volonté de traquer les mouvements salafistes violents.  L’éradication de la violence ne peut être efficace qu’en contrôlant les mosquées et en arrêtant les visites des prédicateurs de la haine dans notre pays.
Tant qu’on n’a pas fermé les portes à ces gens-là et à leurs discours enflammés qui ouvrent la voie à la fitna (discorde), tant qu’on n’a pas fermé les camps d’entraînement des djihadistes à nos frontières, la guerre civile pourrait éclater d’un moment à l’autre. Il faut donc mener la lutte contre le terrorisme sur tous les fronts.  Cela en assurant aux agents de sécurité la logistique et les moyens matériels nécessaires, en coupant court à la propagande salafiste violente et en fermant les espaces publics aux prédicateurs d’Orient et aux imams extrémistes. Tout en adoptant un discours religieux modéré et médian et en revenant à l’Etat de droit contre l’Etat théocratique. Car les discours religieux extrémistes dans les mosquées et les espaces publics préparent à la victoire des partis fondamentalistes aux élections, lesquels une fois au pouvoir, annuleront la Constitution et établiront l’Etat théocratique en appliquant la charia.

Ahmed Khaskhoussi (secrétaire général du Mouvement des démocrates socialistes) : «Pas de réelles intentions d’éradiquer le processus de la violence»

J’ai trouvé le discours du chef du gouvernement, Ali Laârayedh, non convaincant, car noyé dans des généralités et je considère même qu’il a évité de traiter des problèmes fondamentaux que connaît le pays.
Dans son discours, il ne parle pas de forces de sécurité ou de police républicaine, mais d’unités sécuritaires comme si elles étaient dispersées. Le chef du gouvernement n’était pas rassurant, il a fait un discours partisan, partial, voire sectaire. Il n’a pas répondu à une question qui taraude l’esprit des Tunisiens : que va-t-on faire des djihadistes tunisiens qui seront bientôt de retour de Syrie? Que compte faire le gouvernement pour prémunir le pays de leur menace. Ainsi, outre le manque de maturité, d’expérience et de maîtrise de ces problèmes, le gouvernement n’a pas affiché une volonté de se remettre en cause et de réviser ses positions.
Car la violence et le terrorisme que vit notre pays ne sont pas nés hier mais sont la conséquence de tout un processus: lesdites ligues de protection de la révolution, la visite de prédicateurs d’Orient qui sèment l’ignorance et la haine et cultivent les tensions religieuses et qui se produisent en spectacle même dans les zones touristiques sensibles, à Hammamet par exemple, font fuir aussi bien la population que les touristes, frappant ainsi l’économie du pays au passage.
A tous ces problèmes générateurs de violence et de terrorisme, le chef du gouvernement n’a pas répondu. Son discours relevait de soucis à l’échelle sectaire et non pas nationale.
On se demande d’où viennent les financements de ces terroristes et autres anciens délinquants et marginaux qui s’érigent en LPR. Je n’ai pas senti une réelle intention de les confronter. Pis, je pense que le laxisme et la manipulation des esprits servent à détourner les Tunisiens de leurs véritables problèmes.
Les forces de l’ordre ont la capacité de lutter efficacement contre la violence et le terrorisme si seulement elles reçoivent des instructions claires. Le gouvernement dispose de la sécurité, des équipements, de la loi, des prisons, pour asseoir son pouvoir et préserver les institutions de l’Etat de milices et de groupes de sécurité parallèles, mais faut-il qu’il le veuille.
Ne pas sévir, c’est permettre la déliquescence et la destruction des institutions étatiques et la banalisation de la violence et du terrorisme au profit de groupuscules sectaires. Mais la Tunisie est plus grande que toutes ces parties et tous les partis.
Maintenant, on ne parle plus de révolution et de ses objectifs, mais de prémunir les institutions étatiques. On ne parle plus de développement régional, d’emploi, de droits sociaux, de santé et d’éducation, mais uniquement de préservation de l’Etat.
Propos recueillis par Samira DAMI

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