vendredi 17 mai 2013

Rapport sur les événements du 4 décembreRetour à la case départ


 • Ennahdha s’en mêle
Les événements survenus le 4 décembre 2012 à la Place Mohamed-Ali, devant le siège de l’Ugtt,  continuent à occuper le devant de la scène politique.
L’Ugtt, rappelle-t-on, a livré, de façon unilatérale, aux médias et à l’opinion publique samedi dernier sa propre version des faits. Pour sa part, la délégation représentant le gouvernement, et dont le coordinateur général est le Dr Hamouda Ben Slama, a remis hier sa propre copie au chef du gouvernement provisoire, Ali Laârayedh.
Suite à la rencontre, le chef du gouvernement provisoire a appelé à «éviter les surenchères politiques et médiatiques» (voir article-ci-dessous).
De son côté, le parti Ennahdha a réagi dans un premier communiqué dont une copie est parvenue hier au journal. Le mouvement y exprime son «étonnement» à l’égard de la célérité avec laquelle l’Ugtt a présenté son propre rapport aux médias, de manière unilatérale. Rapport qu’Ennahdha juge en outre «partial et manquant d’objectivité».
Par ailleurs, le mouvement «rejette les accusations fallacieuses», arguant que «les vidéos visionnées par la commission ne recèlent aucune condamnation du mouvement Ennahdha».
Le parti exprime, peut-on encore lire dans le communiqué, «sa crainte d’une instrumentalisation des conclusions hâtives et peu objectives et de les voir servir de prétexte à l’escalade sociale sous forme de grèves, contraires aux intérêts des citoyens et de l’économie nationale». 
Pour sa part, M. Fethi Ayadi, président du Conseil de la choura d’Ennahdha, a communiqué sur la question non sans quelques nuances, voire un certain apaisement.
Cette instance invite, en effet, «toutes les parties à poursuivre le dialogue et à se réunir de nouveau dans le cadre d’une commission mixte».
Il a également précisé qu’«au cas où  le rapport tiendrait une ou plusieurs parties pour responsables de ces incidents, un recours à la justice sera nécessaire du fait que la cause à défendre ne sera plus uniquement celle de l’Ugtt, mais celle de toute une nation».
Face à ces réactions de part et d’autre, nous avons interrogé les deux protagonistes de la commission créée par le gouvernement sur les événements du 4 décembre, en l’occurrence M. Sami Tahri, membre du bureau exécutif de l’Ugtt, chargé de la communication et de l’information, et M. Hamouda Ben Slama, coordinateur général de la commission mixte sur les événements du 4 décembre, représentant le gouvernement. Regards croisés sur un conflit qui n’est pas près de se décrisper.
 Ainsi, en réaction au communiqué d’Ennahdha, M. Sami Tahri, dans la déclaration donnée à La Presse, commence par s’interroger: «Comment se fait-il qu’Ennahdha affiche son étonnement quant à la rapidité avec laquelle nous avons présenté notre propre rapport aux médias ?»
Et de poursuivre: «Cet étonnement est d’autant plus feint que les travaux de la commission ont été achevés depuis le 2 février 2013 et que nous avons patienté 60 jours avant de présenter notre rapport aux médias, face aux manœuvres dilatoires du gouvernement. Car nous avons, à plusieurs reprises, appelé à annoncer le rapport de la  commission. Aussi bien sous le gouvernement Jebali que  celui de Laârayedh. En vain. Nous avons eu plusieurs réunions avec le gouvernement, avec le ministre des Affaires sociales, la dernière s’est déroulée le samedi 30 mars avec Ali Laârayedh.
Les représentants du gouvernement au sein de la commission nous ont même demandé de présenter deux rapports séparés: celui de l’Ugtt et celui de la délégation qui représente le gouvernement. Mais nous avons exigé un rapport commun, ce qui a été refusé par l’autre partie.
Maintenant, Ennahdha a le droit de penser ce qu’elle veut en refusant les accusations qu’elle juge «fallacieuses», mais moi je réponds : Que faisaient le 4 décembre les membres desdites ligues de protection de la révolution et d’Ennahdha devant le siège de l’Ugtt ? D’autant qu’ils ne sont ni des syndicalistes, ni des fonctionnaires, ni des adhérents à l’Ugtt.
Nous avons reconnu les présidents des sections d’Ennahdha de Bab Bhar et d’El Wardia, ils donnaient des ordres et haranguaient les assaillants de notre siège.
Justement, nous nous sommes basés dans notre rapport sur celui du ministère de l’Intérieur qui disait explicitement que la violence s’est manifestée de la part de quelques partisans d’Ennahdha et des membres des LPR. On a repris les mêmes termes dans notre rapport, on se demande comment, par ailleurs, Ennahdha a pu voir les vidéos en question. Nous concluons qu’il y a, donc interférence entre ce parti et le gouvernement.
Ennahdha accuse par ailleurs l’Ugtt de favoriser l’escalade sociale. Or nous avons présenté notre rapport pour révéler la vérité à l’opinion publique et syndicale. Cela face à la réticence du gouvernement de présenter le rapport.
Enfin, nous accuser d’instrumentaliser les événements du 4 décembre au service d’autres partis ou mouvements est totalement déplacé. L’Ugtt est  indépendante et neutre à l’égard de toutes les parties politiques. Ces accusations sont fallacieuses et injustes».

«La balle est dans le camp du gouvernement»

De son côté, M. Hamouda Ben Slama nous a indiqué qu’il a remis, comme convenu, le rapport des cinq représentants du gouvernement au sein de la commission à Ali Laârayedh. «Ce  qui a été, indique-t-il, apprécié, l’accord stipulant qu’on devait remettre le rapport en premier lieu au chef du gouvernement. Maintenant il attend de recevoir officiellement le rapport de l’Ugtt afin de passer à la deuxième étape.
La balle est dans le camp du gouvernement.
Nous espérons que notre rapport sera rendu public en totalité ou en partie dans une conférence de presse afin d’informer l’opinion publique de la position de la délégation représentant le gouvernement. Dans ce rapport, nous avons  donné un ensemble de conséquences et de conclusions assez pertinentes concernant les mesures à prendre pour s’opposer à la violence politique.
On aurait souhaité présenter un rapport commun aux conclusions nuancées, mais nous avons été surpris de voir, lors de la réunion du 1er fevrier, les représentants de l’Ugtt annoncer que pour la prochaine réunion, ils devaient demander l’avis du bureau exécutif, le délai d’un mois ayant été dépassé. Or, on ne demandait que quelques jours supplémentaires pour boucler les travaux. On croyait pouvoir reprendre les travaux les 2 et 3 février, en vain. Franchement nous avons été surpris de cette volte-face».

L’Ugtt : «Nous refusons toute autre commission»
Les deux protagonistes accepteront-ils de répondre à l’appel du Conseil de la choura d’Ennahdha «à poursuivre le dialogue et à se réunir de nouveau au sein d’une commission mixte afin d’examiner les circonstances exactes et émettre un rapport conjoint qui déterminerait la responsabilité de chaque partie».
Hammouda Ben Slama estime que «les représentants de l’Ugtt croient qu’ils ont découvert la vérité. Or, celle-ci est relative et jamais absolue.
Je pense qu’il faut relativiser, mais surtout aussi faire en sorte que pareils événements ne se reproduisent plus. A toutes les parties d’encadrer leurs militants et adhérents et de les sensibiliser au respect de la loi. Car, il y avait, c’est sûr, des éléments des LPR, d’Ennahdha et du Front populaire qui n’avaient rien à faire ce jour-là,  à la Place Mohamed-Ali. Car ils n’avaient  pas d’autorisation. Maintenant, appeler à une autre commission mixte, pourquoi pas. Et si on juge que je suis un sympathisant  d’Ennahdha ou qu’il existe un doute, alors que je suis réellement indépendant, on peut me remplacer ou changer les membres de la commission».
Sami Tahri, lui, est catégorique: «Nous n’aurons plus confiance dans aucune autre commission qui sera mise sur pied à l’avenir. Car c’est une dilapidation d’efforts et une perte de temps. La commission du 4 décembre est d’accord à 90%, il ne reste que les 10% qui consiste à dire qui sont  les coupables ?
Le gouvernement rejette toute culpabilité des LPR car il n’y a pas de volonté de les dissoudre. De son côté, Ennahdha rejette toute implication de certains de ses éléments».

«La solution : aller devant la justice»

La solution pour l’Ugtt, c’est «d’aller devant la justice et de fixer les mesures de défense qui seront décidées par les structures de la centrale ouvrière».
Hamouda Ben Slama apprécie : «La justice est peut-être le moyen de faire avancer les choses. Mais je vous rappelle que la commission est formée à 80% de juristes et de magistrats.
Bref, je ne crois pas que la commission puisse reprendre ses travaux.
Mais le chef du gouvernement pourrait confier les deux rapports à deux experts pour un arbitrage et ils ont de la matière. C’est ce que je ferais si j’étais à sa place.
Car cela permettra un autre éclairage et, je le repète encore une fois, tout est relatif, rien n’est tout à fait noir, ni tout à fait blanc».
Alors peut-être un bras de fer en vue.
Auteur : Samira DAMI
Ajouté le : 11-04-2013

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