vendredi 17 mai 2013

Sécurité Faut-il lever l’état d’urgence?



L’armée doit-elle retrouver ses casernes, près de deux années et demie après son déploiement sur le terrain, dans l’ensemble des villes tunisiennes? 

L’heure a-t-elle sonné pour que soit levé l’état d’urgence définitivement, comme le soutiennent plusieurs acteurs du paysage politique et civil national ? 
Ces deux préoccupations se sont imposées ces derniers jours comme un sujet d’actualité dans la foulée des évènements douloureux qui se sont déroulés à Jebel Chaâmbi où les terroristes ont choisi l’escalade et n’ont pas hésité à faire des victimes parmi les forces de sécurité et de l’armée nationale. 
La Presse a sondé les spécialistes, les analystes militaires et les acteurs civils et politiques dont les avis sont partagés. Les uns estiment que l’armée est exténuée, voire au bout du rouleau, et doit prendre du répit. 
Les autres soutiennent que la situation actuelle, marquée par de sérieuses menaces  sur la sécurité de la Tunisie et sur l’avenir de sa révolution, appelle  l’armée à davantage de sacrifices et de mobilisation sur le terrain. Certains proposent une troisième solution, à savoir maintenir l’état d’urgence dans les régions en proie à la menace terroriste. 
En contrepartie, dans les autres régions du pays, les soldats  devraient retrouver leurs casernes et prendre un moment de répit bien mérité.  Toutefois, la vigilance et la veille sécuritaires, en particulier au plan du renseignement, doivent rester de mise. C’est la règle quand l’ennemi est de moins en moins visible. 
Réactions.

Témoignages

 Abdelwaheb El Héni (président du parti Al Majd) : « Pour un état de vigilance et non d’urgence »
Il est clair que nos forces armées connaissent un état d’épuisement certain. Depuis la révolution, elles sont engagées dans des opérations de maintien de l’ordre qui ne font pas partie de leur mission principale.
Leur rôle est plutôt de protéger l’intégrité territoriale du pays. Malheureusement, ces opérations de maintien de l’ordre épuisent l’armée et la détournent de sa mission principale. Car, son rôle n’est pas de protéger les institutions et les ministères et les mausolées.
D’un autre côté, la situation sécuritaire tendue, notamment les menaces terroristes, exige un effort supplémentaire et pour la police et pour l’armée, surtout en matière de renseignements.
La solution serait la levée de l’état d’urgence pour permettre aux forces armées de vaquer à leur fonction essentielle et d’avoir un minimum de répit avant leur redéploiement à l’occasion des prochaines élections.
Il faut, à mon avis, opter pour un remplacement de l’état d’urgence par un dispositif sécuritaire de vigilance sans déploiement des forces armées. Cela en définissant des états de vigilance sécuritaire avec des plans en trois niveaux : 1-2-3 ou jaune, orange, rouge. Autrement dit, un état de vigilance inférieur, moyen et supérieur, sans tomber dans l’urgence qui fait sortir l’armée de son cadre et de sa fonction principale. L’état de vigilance implique la coordination des efforts entre les forces de sécurité et les forces armées là où il y a risque.
Cette coordination est nécessaire afin de définir les niveaux de responsabilité, notamment la responsabilité d’engagement du feu ou l’utilisation des armes, d’une part, Et de rassurer les citoyens et de dissuader les fauteurs de troubles  et criminels, d’autre part.
La vigilance sécuritaire est pratiquée dans le monde par plusieurs pays comme la France, qui applique en période de risque sécuritaire le plan Vigipirate.
Enfin, cette levée de l’état d’urgence nécessite également l’apaisement des tensions sociales et politiques ainsi que la constitution d’un niveau élevé de concorde nationale. Ce qui, aujourd’hui, fait défaut de par la responsabilité de la Troïka.

Mokhtar Trifi (avocat et ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme) : «L’armée doit regagner ses casernes» 
Je suis pour la levée de l’état d’urgence afin que l’armée puisse se consacrer aux tâches qui sont les siennes :s’entraîner, développer ses capacités de défense, garder les frontières, combattre le terrorisme car, comme l’a déclaré Abdelkrim Zbidi, ancien ministre de la Défense, «l’armée est en train de remplir la tâche qui incombe normalement à la police».
L’armée doit regagner ses casernes d’autant  qu’on n’est pas en train d’appliquer l’état d’urgence qui implique, par exemple, que certaines libertés d’attroupement, de manifestation et autres soient restreintes. Ce qui n’est pas le cas, et c’est tant mieux.
Il faudrait, donc, que l’institution sécuritaire assure la sécurité interne en gardant les entreprises publiques, les ministères, assurer l’ordre, etc., afin que les forces armées accomplissent leur véritable mission : protéger le pays contre le terrorisme et garder les frontières.
La situation générale dans le pays doit permettre la levée de l’état d’urgence dont les inconvénients sont plus importants que les avantages. Le président de la République, en coordination avec le chef du gouvernement et le ministre de la Défense, doit prendre la décision de la levée de l’état d’urgence afin que l’armée regagne ses casernes et se consacre pleinement à son devoir.

Ahmed Brahim (président d’Al Massar) : «La levée de l’état d’urgence relève d’une décision politique»
L’état d’urgence dure, maintenant, depuis plus de deux ans, ce qui est excessif pour l’armée qui devrait plutôt consacrer ses efforts à la défense des frontières du pays aussi bien contre le terrorisme, qui porte atteinte à la sécurité du pays, que contre la contrebande qui mine son économie.
Les forces armées devraient normalement avoir autre chose à faire que de surveiller les édifices publics.
Les deux composantes sécuritaires du pays sont les forces armées et les forces de sécurité nationale. Toutes deux sont complémentaires et chacune devrait se consacrer à la tâche qui lui incombe. Et c’est à la police d’assurer la sécurité des citoyens et des institutions publiques.
La levée de l’état d’urgence relève d’une décision politique et c’est au président de la République, en concertation avec le ministre de la Défense, de prendre cette décision. La question de la levée de l’état d’urgence a été d’ailleurs soulevée par l’ancien ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, avec le résultat que l’on sait, puisqu’il a démissionné de son poste, en raison, d’ailleurs, de l’absence d’une réelle volonté politique de lever l’état d’urgence.
De toute façon, il me semble que la question a été de nouveau soulevée et que, normalement, la décision de la levée de l’état d’urgence ne devrait pas tarder.

Imed Khélifa (porte-parole de l’Union des syndicats des forces de sécurité) : «Alléger le poids qui pèse sur les forces armées»
Il faut qu’il y ait accord entre les ministères de l’Intérieur et de la Défense sur la levée de l’état d’urgence. Cela afin de permettre d’alléger la tâche et le poids qui pèsent sur les forces armées et qu’elles puissent se consacrer à la protection de nos frontières.
Propos recueillis par Samira DAMI

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